Quand un bébé guide mes pas
- Caroline Dechamps
- 6 juil.
- 6 min de lecture
Au départ, j'étais un peu le genre de personne à avoir beaucoup de certitudes, genre, je savais où j'allais et ce qui était fait pour moi. Croyez-moi ou pas, j'étais par exemple convaincue que « mon truc », c'était d'accompagner les personnes âgées et la fin de vie et jamais, ô grand jamais les enfants. Oui, j'étais un peu agaçante et oui, j'étais aussi complètement à côté de la plaque.
Heureusement, la vie s'est dit qu'il était temps de m'ouvrir les mirettes, de faire taire ce mental qui pense tout savoir pour me montrer que, peut être, une autre voie beaucoup plus épanouissante m'attendait.
Et pour y arriver, elle a envoyé un tout mini bébé, un être exceptionnel qui ne faisait que quelques centimètres quand je l'ai rencontré.
Il va me faire vivre des émotions tellement intenses que je vais avoir l'impression de faire un saut en chute libre les yeux bandés. Je lui laisse que le résultat sera au rendez-vous parce que ça va me faire ouvrir les yeux.
Aujourd'hui, je vais vous raconter cette rencontre-là. Accrochez vous, ça va remuer.
Je me souviens que c'était un vendredi. C'est fou d'ailleurs comme des années après, la mémoire peut encore reconstituer ces moments. J'accueille Capucine qui est enceinte de son 2ème enfant. C'est le tout début de sa grossesse et elle me dépose timidement qu'elle se sent perdue. Les émotions qui l’habitent sont confuses, elle espérait ce bébé depuis longtemps et pourtant, elle ne ressent pas la joie à laquelle elle s'attendait.
Dans ces situations, je trouve passionnant de questionner le corps et le cœur parce qu'ils permettent souvent d'avoir un éclairage différent sur ce qui se passe. Pour Capucine, c'est une peur très ancienne qui remonte, celle de perdre son bébé et plus particulièrement si c'est un garçon.
Perdre son enfant, est selon moi, une des plus grandes tragédies que l'on puisse vivre. Je peux donc imaginer que si cette peur lui est chevillée au corps, c'est quasiment impossible de se réjouir, de se projeter et d'oser s'attacher à ce bébé...surtout que d'après mon ressenti, c'est un petit garçon qu'elle attend.
Petite parenthèse, autant je suis assez douée pour percevoir le caractère des bébés autant je me suis très souvent plantée essayant de deviner le sexe des bébés...sauf cette fois-là.
A cet instant, je perçois la présence de son bébé et comme un rayon de soleil qui traverse les nuages, je sens une vague d'amour immense me traverser pour arriver jusqu'au cœur de sa maman.
C'était une vague d’amour inconditionnel, un amour qui dit : " peu importe ce que tu ressens à cet instant, sache que je t'aime."
Même s'il ne fait encore que quelques centimètres au creux du ventre de sa maman, il me montre une main tendue et je comprends que c’est une invitation pour sa maman à le rejoindre. Par la visualisation, j'invite en douceur Capucine à descendre d'abord dans son cœur pour remplir son réservoir de confiance, puis doucement vers son ventre pour enfin venir prendre la main de son enfant.
Et là, je vois leurs deux mains s'entrelacer et leurs cœurs se lier pour toujours. Moi, je retiens mes larmes. Mes poils se dressent sur mes bras. Je n'ai sincèrement jamais rien vu de plus beau dans ma vie. C'est un moment complètement dingue et je peine à trouver les mots encore aujourd'hui pour vous le décrire. Je suis le témoin de la naissance du lien profond qui unit une mère et son enfant, mais aussi de l'amour infini que ce bébé éprouve pour sa maman.
Ce jour là, j'ai réalisé combien les bébés aiment leur maman et que c'est un amour exempt de tout jugement.
Après cette séance d'une intensité rare, je continue d'accompagner Capucine et ce petit être en devenir. Elle reçoit la confirmation que c'est bien un petit garçon qui s'apprête à rejoindre sa famille et cette peur, même si beaucoup moins présente, ne disparaît pas vraiment.
En parallèle, cette rencontre a été pour moi une révélation et je décide de me lancer pleinement dans l'accompagnement des familles et des bébés.
Les mois passent et lors d'une de nos dernières rencontres avant la naissance, Capucine m'explique que son bébé est en siège. Dans certains cas, les bébés restent en siège par manque de place, à cause de tensions dans l'utérus ou d'autres raisons purement mécanique.
Parfois, cela peut être le reflet d'une appréhension que le bébé ressent par rapport à ce qui l'attend. Comme l'expression « plonger la tête la première », cela demande une sacrée confiance de plonger vers la naissance tête la première. Un bébé qui préfère arriver par les fesses ou les pieds, essaie parfois de nous faire passer un message.
Comme le lien établi avec lui et sa maman est déjà très fort, je me mets rapidement à son écoute et ce qu'il nous partage c'est qu'il craint le 2ème jour après sa naissance. Nous le rassurons comme nous pouvons, lui expliquant que quoi qu'il arrive, il sera entouré de ses parents. Quelques jours plus tard, je reçois un message de Capucine, il s'est retourné naturellement.
Prochaine étape, la naissance!
Gabriel nait quelques semaines plus tard et, bonne nouvelle, tout s'est super bien passé.
Deux jours après sa naissance, un vendredi soir à 20h, sa maman m'appelle. Tout de suite, je me doute qu'il y a un souci pour qu'elle m'appelle à cette heure. Capucine m'explique que Gabriel ne va pas bien mais qu'elle ne sait pas ce qu'il a (le personnel médical est évidemment informé et sur le coup) et elle me demande si je peux me connecter à distance.
Tout ce que je me souviens de ce coup de téléphone, c'est qu'après avoir mis en mots ses émotions, Gabriel se met à pleurer fort...très fort puis Capucine me dit, la voix paniquée, qu'il fait des arrêts respiratoires. Je l'entends, depuis mon téléphone, courir dans le couloir, son bébé dans les bras, appeler à l'aide.
Je raccroche, inquiète et impuissante. Et là, comme un flash, me revient notre discussion : « Je redoute le 2ème jour après ma naissance ».
Et pour cause, quelques heures après, Capucine m'explique que Gabriel a fait un gros AVC et qu'il est mis dans le coma pour protéger son cerveau.
Gabriel a deux jours et tout bascule, sa vie ne tient plus qu'à un fil. Entre le coma artificiel, les crises d'épilepsie et le caillot dans son cerveau, le pronostic est sombre et les dégâts sur son cerveau, s'il se réveille, peuvent être très importants.
Je ne vais pas vous raconter les semaines qui ont suivis, les vagues émotionnelles qui ont balayé sa famille, les doutes, les peurs, les questions, les aller-retours incessants à l’hôpital en plein covid et les nombreux échanges qu'on a eu.
Je vais juste vous raconter la force de cet enfant qui, à chaque étape, nous a rappelé de lui faire confiance et de ne jamais douter. Un enfant qui n'a pas arrêté de bluffer le personnel médical en bougeant alors qu'il était dans le coma, en récupérant de façon impressionnante, en s'en sortant avec beaucoup moins de séquelles que celles annoncées au départ.
Je vais vous raconter la force de sa maman, qui grâce au lien très fort qu'ils ont pu construire au fil de la grossesse, a su trouver en elle la foi pour croire en lui et imaginer leur vie à quatre. Si Gabriel est là aujourd'hui, s'il marche, rit et s'épanouit, c'est aussi parce qu'elle n'a jamais lâché sa main, qu'elle a constamment repoussé ses propres limites pour lui offrir toutes ses chances de récupérer. Capucine, toi qui lira ses lignes, sache que son plus beau cadeau, c'est toi.
Je ne vais pas vous mentir, j'ai eu le coeur fendu en morceaux quand j'ai réalisé que peut- être, je ne rencontrerais jamais ce bébé qui m'a montré la voie. Après cet appel de Capucine à la maternité, malgré l'intensité du moment, j'ai choisi à peine 1h heure après, de m'inscrire à la formation de Quantik Mama sur les naissances. Si je suis doula aujourd'hui, si j'ai choisi d'accompagner les familles, c'est grâce à lui.
Cette rencontre, elle a changé ma vie. Jamais, je ne pourrai les remercier suffisamment pour le cadeau immense qu'ils m'ont donné de pouvoir les accompagner durant cette période.
Les mots de Capucine :« Tu as changé nos vies aussi. S’il est là, si je l’aime tant, c’est grâce à toi. Je n’arrête pas de penser à nos doigts qui se touchent lors de notre première séance ».
Et puis un jour, ce petit poussin est venu directement jusqu’à moi, en chair et en os, et il m’a attrapé la main. Entre nous trois, il faut croire que tout est une histoire de mains qui se lient.

Voilà, je suis une main tendue, une main qui a tremblé, une main qui a apaisé, une main qui a reçu beaucoup et qui se sent prête à donner encore.

Concernant la confidentialité, soit le billet est inspiré de différentes rencontres de façon à garder l’intimité de ce qui est partagé en séance. Je mets néanmoins un point d’honneur à vous partager que du vrai, seul le contexte change. Soit la personne a lu ces mots avant de me donner son accord pour que je partage son histoire.
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